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6 Août 2010
Konu : une fresque murale sur la mer vue des cinq continents à Saint-Martin-en-Campagne
Par Myrisis
L’artiste peintre-graffeur Konu est surtout fameux pour ses petits personnages entourés de sa signature-graffiti. Il a réalisé sur le mur de bord de plage de Saint-Martin-en-Campagne une fresque gigantesque. Et montre qu’un graffeur peut s’exprimer sur un thème réaliste, accessible à tout le monde. Je l’ai rencontré un jour de grand vent, un jour où il ne pouvait rien faire… justement à cause du vent.
Comment est venu ce projet ?
« Tout a commencé par un coup de téléphone de la mairie de Saint-Martin-en-Campagne, qui cherchait des artistes peintres-graffeurs pour réaliser une fresque. Il y a eu un appel d’offres avec plusieurs autres artistes. A l’issue du premier contact, on est allés voir le mur, qui était dans un sale état : le vieux vernis anti-graffiti s’écaillait, un mur plein de fissures avec du salpêtre cristallisé. Je leur ai fait un devis. Plusieurs semaines se sont écoulées et, un jour, j’ai reçu le devis signé dans ma boîte aux lettres.
Comment as-tu remporté le projet ?
Je leur ai d’abord fourni un devis détaillé avec les heures de travail, les matériaux à utiliser, dont le nombre de bombes. Les propositions de maquette sont venues ensuite, une fois le devis accepté.
Avais-tu un thème fixé pour réaliser cette fresque ?
Ils voulaient quelque chose de très coloré sur le thème de la mer avec des poissons pas vraiment réalistes. Je me suis demandé comment représenter des poissons qui ne sont pas des poissons… Je leur ai donc proposé trois pré-projets autour du thème de la mer : le premier sur les fossiles dans les tons ocre, à cause des falaises ; le deuxième sur les poissons fluorescents des abysses, à cause de la centrale ; le troisième sur mes petits personnages Konu mais c’était plus pour une école.
Finalement quelle maquette as-tu présentée ?
En deux jours, j’ai produit une maquette en volume sur le thème de la mer à travers les cinq continents. Ce projet leur a plu et il a été validé.
Comment as-tu attaqué le boulot ?
Là, j’ai été au pied du mur ! Le vendredi après l’Ascension, on a attaqué le mur. La plage était pleine de monde… Avec Christophe Demonchy qui m’a aidé, on a préparé le mur : ponçage, décapage à l’acide qui se dissout à l’eau (car le sablage coûtait trop cher), lessivage et brossage à l’eau, le tout avec échelles et échafaudage, puis sous-couche d’accrochage puis deux couches de peinture blanche au rouleau.
Combien de temps ça a pris ?
La préparation du mur : une bonne quinzaine de jours. Les gens disent que ça n’avance pas. Ils oublient comment était le mur avant... Mais ça fait deux mois que j’y suis, dont un mois que je compose la fresque, que j’applique vraiment les couleurs. En tout, il y a 220 mètres carrés à faire et à refaire sans cesse… Plus, au final, le vernis qu’il faudra appliquer.
Quels ont été les inconvénients ?
Par chance, on a eu deux semaines de grand beau temps pour la préparation du mur, puis une bonne pluie qui a permis son nettoyage. Puis encore huit jours de beau pour appliquer la peinture blanche. Mais depuis que j’ai commencé la fresque à la bombe, ça se complique. Trop de soleil, ça t’achève. Beaucoup de vent comme aujourd’hui, impossible de travailler : le spray s’envole, le trait s’élargit.
Combien de temps avais-tu pour réaliser la fresque ?
Le chantier aurait dû être fini fin juillet. En fait, tout devait être terminé le 21 juin : impossible à gérer. On a repoussé à fin juin, puis à fin juillet, avant l’arrivée des aoûtiens. Mais là, on est le 5 août et il me reste encore le mur de l’Europe et celui de l’Afrique à finir et le vernis à appliquer. J’ai déjà verni certaines parties, notamment là où il y a les douches sur la fresque de l’Europe. Au final, je vais appliquer deux couches de vernis anti-graffiti, un truc super costaud, qui sera nettoyable.
Et comment la fresque va-t-elle pouvoir perdurer ?
Dans le temps, on ne sait pas trop comment ça va vieillir. La municipalité est consciente du risque qu’elle a pris. Mais je sais que j’ai fait une bonne préparation, que j’ai mis une bonne peinture de base, que les peintures aérosol ainsi que le verni sont de bonne qualité. Pour le reste, on verra bien…
Comment les gens perçoivent-ils cette fresque ?
Enfait, depuis que les vacances ont commencé, je ne peux plus peindre la fresque tranquillement. Les gens viennent me parler. C’est une technique qu’ils ne connaissant pas. Ils n’ont jamais eu l’occasion de voir un tagueur de près. Ils veulent me connaître, comprendre le dessin, savoir la démarche. Je ne peux pas faire le sauvage et me mettre des écouteurs sur les oreilles… C’est une fresque faite pour plaire à tout le monde. Moi, je suis content quand j’entends une petite fille dire à sa maman : « T’as vu la sirène ? » Ou la petite mamie qui passe et qui me dit : « C’est joli. »
Quels sont tes autres projets ?
En parallèle, j’ai commencé un projet de mur à peindre avec des ados de la prison Bonne-Nouvelle, à Rouen. J’ai cinq jours sur deux semaines pour leur apprendre à dessiner, à manier la bombe et à réaliser une fresque sur le mur de la cour de balade. Je voulais faire ça depuis longtemps. Et quand ils m’ont fait la proposition, j’ai accepté. Et sur ce coup, je suis bénévole, j’offre mes services sans aucune rémunération. Mais ça me tient à cœur. Et puis il y aussi le mur libre de la salle des sports, à Dieppe. Tout le monde peut peindre son morceau de fresque, c’est un mur qui bouge sans cesse, un mur vivant, car les gens peignent sur le travail des uns et des autres… Un mur éphémère… pas comme celui-là qui j’espère perdurera après moi.