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12 Août 2010
Florence Lemiegre : sculpteur de raku
par Myrisis
Dans le cadre du 23e Salon de la Côte d’Albâtre, à l’Espace de la Mer, à Pourville-sur-Mer, un hommage est rendu au peintre disparu Marc Feuillet et des peintures et sculptures sont présentées au public du 7 au 22 août, tous les jours de 15 heures à 19 heures. Parmi les sculpteurs, les raku de Florence Lemiegre
La passion de Florence Lemiegre pour la terre remonte à l’enfance. Elle a 9 ans quand elle commence avec Laszlo Mindszenti, à Rouen, qui crée la première académie mélangeant les enfants et les adultes. Elle retrouve la terre plus tard. Le raku, au départ, ne lui parle absolument pas. Elle se dit que ce n’est pas du tout pour elle : « Beaucoup trop ethnique, de la vaisselle, des bols, de l’alimentaire, l’art de la cérémonie du thé. » Car ce qu’elle veut, c’est créer des bijoux. « Pas vraiment adapté à la technique du raku parce que cela casse, c’est trop petit et ça n’intéresse personne.» Plusieurs ateliers refusent de la prendre pour cette raison. Et puis elle fait une rencontre qui va tout changer. Elle trouve un maître Olivier Oet, professeur de CAT, et se rend à un premier atelier de raku. Et là, c’est la révélation : « Je suis tombée dedans. »
Florence explique avec passion le processus de création de cette technique de cuisson. « D’abord, je travaille la terre chamottée, de l’argile granuleux, pas lisse, dans un atelier. Puis je la cuis dans un four à 1 000 degrés. Ensuite j’emporte le biscuit, c’est-à-dire la terre cuite une fois, en province. Là je fais mes préparations des chromies pour obtenir les couleurs. Puis on la remet à cuire à nouveau à 1 000 degrés. »
Pour cette seconde étape de cuisson, Florence se déguise en forgeron avec tablier, guêtres et gants, et chapeau en cuir, « plus le casque comme pour aller chercher le miel dans la ruche ». C’est avec de grosses pinces qu’elle va chercher ses pièces orange fluo dans le four en fusion, comme un volcan. Une fois les pièces sorties du feu, elle les balance un moment à l’air libre pour obtenir une réaction chimique qui permet à la céramique de se craqueler. A la sortie du four, les pièces sont noires, couvertes de suie. A ce moment-là, elle ne peut pas encore voir le résultat chromique. Puis elle plonge ses pièces dans des bassines en fer remplies de copeaux de bois (bouleau, châtaignier, pommier) qu’elle recouvre, ce qui provoque un enfumement, avec cette impression que tout crame autour de soi.
C’est seulement le lendemain qu’elle peut découvrir le résultat, en frottant à l’aide d’une brosse à dents. Le rouge est la couleur la plus difficile à obtenir, car il résiste mal à la seconde cuisson et souvent il sort gris.
Florence travaille à partir d’un croquis et c’est à cette étape du processus créatif qu’elle trouve le nom. Ses pièces, qu’elle appelle des « Pavés », sont faites d’un seul bloc. « Mes pavés, ce sont des contes, des histoires qui voyagent, qui sortent… » Un peu comme la fumée qui s’échappe des fours d’où ils prennent corps. Ses sculptures en raku se composent donc d’un pavé sur lequel repose une petite scène avec personnage et végétation. Et portent des noms qui évoquent l’enfance : « Perdue dans la forêt d’azulejos », « Entre ciel et terre », « Au clair de lune »…
« En fait, si je devais qualifier mon travail, je dirais que c’est ludique, poétique et onirique. »
Au manoir de Briançon, à Criel-sur-Mer jusqu’au 15 août, sous le nom de Flot, elle expose des têtes nommées de la « Têtes de la décennie des O » (car leurs noms se terminent tous par « o ») sur le thème du cri libératoire. « Un travail plus douloureux. Beaucoup pensent que ce n’est pas moi. » Un univers totalement différent en effet, comme si elle avait deux faces, qu’elle ne vit pourtant pas de façon tragique ou dramatique. Des bijoux y sont aussi exposés, à l’exemple du collier qu’elle porte.
« Le raku, c’est la magie de l’aléatoire. Il faut être zen : on ne maitrise jamais totalement le résultat.» La terre comme une thérapie qui lui permet de se détendre.