
J'ai écrit récemment quelques mots ici à propos du Destin de Lisa. La question du anti héros a inspiré également Brother qui vient de me proposer un article qui défrise vraiment : avec le plus grand des plaisirs (en trois mots, bien sûr), je lui laisse de nouveau la parole.
Le anti héros, le leurre et la chandeleur. Après avoir bu, dès la prime enfance, comme tout un chacun, la laitance du héros, (de Zorro le cabalaro, sans oublier Rahan le communiste de la Préhistoire, en passant par Goldorak et autres tortues Ninja...) , bref la maturité sexuelle et intellectuelle atteintes, j’ai cru verser de mon propre bon goût dans l’esprit du culte du non culte, je veux dire le culte de l’anti-héros. N’admirer personne. Admirer celui que personne n’admire. Cette personne qui n’est rien ni personne pour personne ; avec toutes les variantes de la psycho du jeune adulte en gestation …
Ainsi au cinéma j’ai aimé en vrac et dans le texte les bredouillements d’un Colombo, la balourdise d’un Michel Blanc, les balbutiements amoureux d’un Vincent Lindon, , plus tardivement enfin la connerie tendre et « intelligente » du Jacques Villeret du "dîner de cons"
Ce furent de vaines mais saines distractions.
Je suis parvenu récemment à l’âge adulte et donc jusque là tout allait ou plutôt semblait aller bien …
Mais un matin du monde comme tous les autres, un matin à ne pas mettre un corniaud dehors, un affreux doute a filtré et effleuré mon cerveau bublitiant. (germé dans mes synapses printanières, si vous préférez)
Se pourrait-il que je sois , que nous soyons victimes d’un complot culturel, au mieux inconsciemment ourdi, au pire savamment orchestré à l’échelle planétaire par des cerveaux commerçants et manipulateurs?
Car le anti-héros, dans toute sa splendide médiocrité absorbe nos propres médiocrités et en ce sens est un avatar de plus pour vendre à des humains à la dérive, en quête et recherche d’identification une réponse existentielle.
Cet alter ego est facilement opérationnel (il est plus fastoche d’être sergent Garcia que Zorro …)
Prenons un exemple plus récent : n’importe qui pourrait bien devenir sans effort particulier le commissaire Meurteaux, vous savez ce vieux flic un peu ivrogne de quartier, de la PJ saint Martin, qui s’achète une conduite aux alcooliques anonymes et tisse une romance simple et juste après une belle rencontre tardive.
En fait ce n’est pas exactement si simple. Remercions déjà, en l’espèce, le talent énorme de Marc Betton, ce comédien à la « Michel Simon »
Avec lui tout téléspectateur pourvu d’un vague cerveau accède directement à travers l’humanité du personnage à sa propre image mais nettoyée, rendue plus propre au filtre des failles et faiblesses d’autrui. De Meurteaux à soi chacun peut bien se glisser dans les errances de l’autre à un écran de distance. Quelques millénaires plus tôt Platon avait vu par anticipation le génie philosophique pervers du mode de la représentation dans la République ou le Timée, par exemple, mais passons.
Ses faiblesses sont les vôtres donc les miennes, du moins si j’avais des faiblesses seraient-elles de cet acabit … car ce sont bien les travers et médiocrités de l’autre qui nous font rire. Cet inextinguible fou rire que provoquent vos atermoiements miteux, chers anti-héros, soyez en remerciés.
BROTHER